Cartes sur table
Alain et Patrice Duhamel, Plon, 220 pages, 19 euros
La télévision est un puissant outil médiatique, nul ne l’ignore. Encore moins les hommes d’état, qui cherchent toujours, sinon à se l’approprier, du moins à y exercer une certaine influence. C’est, en quelque sorte, le sujet dont traitent les frères Duhamel, Alain et Patrice, dans le livre intitulé Cartes sur table (en référence à la fameuse émission télévisée) qu’ils co-signent chez Plon, en fait un livre d’entretiens avec Arnaud Revel, rédacteur en chef à L’Express.
Alain est le chroniqueur politique bien connu, qui sévit notamment sur RTL et fait de fréquentes apparitions sur le petit écran. Patrice a occupé durant de nombreuses années de hautes fonctions à la tête de France 2 et de France 3. C’est dire si les deux hommes sont bien placés pour nous raconter comment, de François Mitterrand à Nicolas Sarkozy, en passant par Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac, les Présidents de la République de ces dernières décennies se sont comportés vis-à-vis de la télévision publique et ont agi pour l’utiliser à leur profit. Constat parfois accablant et sans complaisance ! Souvent passionnant, surtout pour des lectrices et lecteurs de Chapô, évidemment intéressés par tout ce qui touche à la presse et aux médias.
Guy Deluchey
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Eloge des frontières
Régis Debray - Gallimard, 95 pages, 7,90 euros
Le bandeau de ce petit livre annonce “Un manifeste”. Pas un pamphlet, donc ; pas un roman, non plus ; mais plutôt un état des lieux qui prend le lecteur à rebrousse-poil et lui donne à penser.
L'auteur s'en prend à la propension répandue et bien pensante d'appeler “sans frontières” ce qui compterait dans le monde d'aujourd'hui ; Il y a “les vétérinaires sans frontières, les reporters, les footballeurs, les médecins sans frontières, etc.” Ayant créé une modeste publication mensuelle intitulée “Regards sans frontières”, éditée par l'association Réalités et relations internationales (ARI), cet éloge des frontières ne manquait pas a priori de piquant, à mes yeux. On n'est pas déçu. Brillant, documenté.
Un rêve, ce “sans frontières” ? Les nuages atomiques, les épidémies s'en moquent éperdument. Le fait est là aussi que des frontières au sol, il ne s'en est jamais autant créé qu'au cours des cinquante dernières années. Vingt-sept mille kilomètres de frontières nouvelles tracés depuis 1991, spécialement en Europe et en Eurasie. Dix mille autres de murs, barrières et clôtures programmés, et nombre de conflits frontaliers.
Obscène alors, la frontière ? Elle survit. Elle est aussi sauvegarde. En bon européen, Régis Debray choisit de célébrer la frontière comme “vaccin contre l'épidémie des murs”. Quand deux peuples voisins font la paix, ils fixent avant toute autre chose la frontière entre eux, écrit-il. Pour voir le jour, à notre naissance, une première frontière à franchir...
Michel Cuperly