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Il était cycliste pour La Croix, mais Paul Bourotte, fut aussi l’un des premiers champions cyclistes, champion de France des 100 km en 1901.

Yves Pitette nous conte son histoire. 


La Croix n’a pas manqué le départ du premier Tour de France, même si elle n’y a consacré que quelques lignes.

En attendant une prochaine enquête sur la présence de la Bonne Presse, puis de Bayard, sur les routes du Tour, faisons connaissance avec un champion, pionnier du sport cycliste, qui avait mis son coup de pédale au service de la rédaction de La Croix.

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▲ La Croix du 16 octobre 1901.

 

Le sport, certes encore balbutiant, ne trouva place dans La Croix qu’après le départ de son fondateur, le P. Bailly. C’est en effet dans La Croix de Paul Féron-Vrau qu’il s’installe timidement le 8 novembre 1900. La «Chronique sportive», quasi quotidienne, occupe quelques dizaines de lignes, sous des rubriques à l’intitulé parfois délicieusement désuet: «vélocipédie», «courses à pied» ou «aérostation».

À cinq reprises, au cours de ses deux premiers mois, la nouvelle «Chronique sportive» cite le nom de Paul Bourotte dans les résultats de courses sur vélodrome, très populaires à l’époque. Pourquoi nous intéresser à ce coureur en particulier ? Dans leur journal du 16 octobre 1901, les lecteurs ont la réponse: le nouveau champion de France des 100 km – courus sur piste bien sûr – est un employé de la Bonne Presse, plus précisément cycliste à la rédaction de La Croix, pour laquelle il porte messages ou documents ou même livre des journaux. Entre autres courses, Paul Bourotte a déjà gagné en 1897 et 1900 ce qu’on appelle alors le «Brassard des estafettes», course très parisienne qui prendra plus tard le nom de Critérium des porteurs de journaux. 

 

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▲ Publicité pour les cycles Bourotte, 1909 (photo de gauche) - ▲▲ Un vélo Bourotte des années 1920 (photo de droite)

 

Ce cycliste de la rédaction est un véritable coureur qui s’illustre dans les courses de demi-fond - on parle alors de stayer - mais aussi comme sprinter, puisqu’il remporte en 1902, au vélodrome Buffalo de Neuilly, le Grand Prix de vitesse de l’Union vélocipédique française (UVF), ancêtre de l’actuelle Fédération française de cyclisme. Une course de mille mètres qui exige à la fois puissance, résistance et explosivité. Paul Bourotte, né en 1875, court depuis 1896 et bénéficie d’une belle popularité sur les vélodromes français, ainsi que d’une vraie réputation, puisqu’on trouve son nom dans une revue vélocipédique américaine en 1899.

Combien de temps Paul Bourotte est-il resté cycliste à la rédaction de La Croix? Le journal ne le dit pas lorsqu’il meurt le 5 août 1935 à 60 ans, après une «courte maladie», si ce n’est que ce «pionnier du sport cycliste en France avait travaillé plusieurs années à La Croix et y avait laissé de nombreuses sympathies». En fait, il est devenu constructeur de vélos, comme en témoigne cette publicité datée de 1909. 

 

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▲ Départ du Grand Prix de vitesse de l’UVF 1902 que va remporter Paul Bourotte (à gauche en haut sur la piste).


▼ Le « Team Bourotte », au Tour de France 1910. Paul est le troisième à partir de la gauche.

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Le cycliste de La Croix ne participera jamais au Tour de France, créé en novembre 1902. C’est un pistard très endurant, mais apparemment pas un routier. Ce qui ne veut pas dire qu’il en fut absent. On le voit ainsi parmi des coureurs du «Team Bourotte», lors du Tour de 1908.

À cette époque de pionniers du Tour, les équipes de marques se multiplient, dans le sillage de la célèbre équipe Alcyon, pour laquelle Bourotte a d’ailleurs couru sur piste.

Le nouveau constructeur a-t-il alors tenté de lancer sa propre marque ?

En avril 1909, deux champions, dont Henri Cornet, vainqueur du Tour de France 1907 et de Paris-Roubaix 1908, disputent le célèbre «Enfer du Nord», sur des vélos Bourotte.

Le «cycliste de La Croix» construira des vélos jusqu’à sa mort, ce qu’attestent de nombreuses publicités de commerçants de province, «agents Bourotte».

Yves Pitette


Ce texte est extrait de la «Lettre de Chapo» n° 13 que vous pouvez retrouver en cliquant sur cette ligne