Les livres

► Un voyage inattendu

► La nuit de feu



Les livres 75 2Un voyage inattendu

 

De mon village auvergnat

à la tête du Crédit Agricole

de Lucien Douroux
Editions du Cherche Midi, 18 euros, Commande par Decitre
 

Ce voyage inattendu conduit Lucien Douroux de son village auvergnat, Prudent, sur la commune de Saint–Rémy- sur-Durolle, à quatre kilomètres de Thiers, capitale de la coutellerie, jusqu’à la tête du Crédit Agricole. Au départ, le Crédit Agricole, c’est la banque des agriculteurs. Le petit paysan auvergnat contribuera, par mille péripéties, à en faire, à l’égal des grands, une banque globale et internationale ! Un parcours inimaginable et passionnant pour celui qui est parti d’une petite ferme de six hectares, où la vie est dure, où l’on marche en sabots, où l’on fait son pain.Pas une seule voiture dans le hameau où il est né en 1933, pas d’eau courante, pas de téléphone. Adolescent, Lucien cumule les travaux agricoles et ceux d’ouvrier monteur de couteaux. Ce livre raconte comment l’homme s’est construit, avec ténacité, son itinéraire et, ce faisant, comment l’univers alentour, la société, pas seulement rurale, s’était transformée. “En un demi-siècle, les paysages, l’agriculture et le mode de vie ont plus évolué qu’en mille ans”, écrit l’auteur.

Le premier grand tournant dans sa vie s’opère avec la rencontre de la JAC. “Des militants enthousiastes, on fait des choses, on a une visée, des perspectives, on ne doute de rien”. “Promouvoir l’homme et le chrétien, à cent lieues de l’embrigadement”. “Voir, juger, agir”. Lucien monte à Paris au secrétariat national. Sollicité par Michel Debatisse, il collabore à Jeunes Forces Rurales. Vient l’entrée au Centre des Jeunes Agriculteurs, alors que s’ouvre une période d’intense transformation de la politique agricole… Une vie trépidante mais, le soir, il prend le temps de suivre les cours du Conservatoire des arts et métiers… La fréquentation de divers clubs de réflexion, Club Jean Moulin et autres, le met en contact avec d’autres mondes. Il en fait son miel. Une opportunité se présente d’entrer au Crédit Agricole. Une nouvelle et grande aventure, qu’il raconte par le menu, d’âpres combats dans lesquels il manifeste sa détermination et aussi un grand respect des hommes. Au moment de quitter ses fonctions, il a droit à une “standing ovation exceptionnelle”. L’AFP note : “Lucien Douroux, le paysan auvergnat devenu le premier banquier de France”.

Lucien est marié à Odile, née Verdonck, journaliste qui a collaboré à Pèlerin.

Michel Cuperly



Les livres 75 1La nuit de feu

d'Eric-Emmanuel Schmitt
Albin Michel, 180 pages, 16 euros

 

Quel livre d’aventure, magnifiquement écrit : c’est le récit d’une expérience de randonnée à travers le désert, dans le grand sud algérien, une aventure que l’auteur avait vécue, alors qu’il avait vingt-huit ans, et qui le conduisit à découvrir son nouvel horizon intérieur. Ce sera au cours d’une nuit glaciale, pendant laquelle, sans eau ni vivres, un sentiment de bonheur et d’éternité l’envahit. Le philosophe rationaliste se trouve délié de ses certitudes. Ce sera sa “nuit de feu”. Une nuit comme celle qu’a connue le mathématicien rationaliste, Pascal, un 23 novembre 1654, “obligé de rendre les armes : Dieu l’avait foudroyé”.
Cette ultime étape dans son aventure intérieure ne survient qu’au terme d’un périple accompli avec une dizaine de voyageurs et un guide affrontant un univers saharien hostile aux yeux de ceux qui ne s’ouvrent pas aux beautés des lieux, et que sait nous fait vivre l’auteur. Sans oublier les mésaventures survenues au cours de l’expédition. S’égarer seul en pleine nuit, se blottir dans un creux pour passer la nuit à l’abri et découvrir au petit matin que se trouvait là un nid de vipères, mais aussi voir apparaître la diversité des regards portés par les membres du groupe ; voir aussi se nouer une belle amitié avec le guide touareg Abayghur, qui savait, lui, “lire le désert” : “le sable lui parlait : des empreintes racontaient les expéditions antérieures, des crottes sèches ou moins sèches dataient le passage des caravanes” ; un guide capable de découvrir une source d’eau, “l’eau coulait entre nos doigts, précieuse, telle de la poudre d’or” ; la rencontre insolite avec une bergère gardant son troupeau de chèvres, que le guide, pudique, courtisait à distance, donnant à l’auteur du récit une belle leçon d’amour. Un fascinant récit, presque autobiographique, d’éric-Emmanuel Schmitt, qui vient de faire son entrée à l’Académie Goncourt…

M. C.